14-17 avril 2022 : Triduum Pascal

JEUDI SAINT
Manger la chair du Christ ! Cela révolte tout le monde depuis toujours !
L’agneau immolé se présente comme le pain vivant descendu du Ciel. Le Christ est allé jusqu’au bout du martyre pour nous. Si le Christ est du pain et que nous sommes le Corps du Christ, alors nous aussi, nous sommes du pain ! Sommes-nous du bon pain pour nos contemporains ? Est-ce que quand ils nous voient, qu’ils nous entendent, ils ont l’impression de manger le bon pain de Dieu ? Est-ce que notre foi, nos paroles et notre témoignage sont nourrissants pour eux ?
Saint Paul, dans son épitre, 1 Co 11, 23-24 nous dit : « J’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur et je vous l’ai transmis : la nuit où Il était livré, le Seigneur prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit et dit : ’Ceci est mon corps, qui est pour vous ; faites cela en mémoire de moi’ ». Il sait parfaitement ce qu’il dit. En effet, pour ceux qui connaissent un peu le monde juif, recevoir et transmettre sont deux mots essentiels : KABBALE (Tradition) et MASORAH (Transmission). Saint Paul n’emploie que deux fois cette formule dans toutes ses épîtres, montrant qu’il porte une attention extrême et rigoureuse à la transmission exacte de ce qu’il a reçu. L’apôtre emploie à nouveau cette formule, à la fin de cette même lettre, 1 Co 15, 3 : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, qu’il est apparu à Képhas, puis aux Douze. »
Comment pouvons-nous être chrétiens aujourd’hui ? Eh bien, l’évangile nous montre l’exemple que Jésus nous donne par le lavement des pieds : être serviteur. Pierre n’a pas encore compris et refuse que le Rabbi lui lave les pieds mais être chrétien, c’est précisément cela : être serviteur, déposer son vêtement, prendre un linge et écouter celui qui souffre, prendre soin de celui qui est malade et qui a besoin d’être visité, écrire aux prisonniers… « J’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire… » Si vous le faites, vous êtes vraiment serviteurs, vous suivez l’exemple du Christ, c’est notre vocation de chrétiens.
Notre grand cadeau du Jeudi Saint, c’est de recevoir le Bon Pain Vivant venu du Ciel. Pensons aux 4000 adultes qui vont être baptisés la nuit de Pâques et recevoir, pour la première fois, ce Pain Vivant descendu du Ciel. Entrons maintenant dans cette merveilleuse liturgie du Jeudi Saint. N’oublions donc pas d’être des serviteurs et de bons pains vivants, nourrissants pour nos contemporains, c’est notre vocation.
Vendredi Saint
« Il n’avait plus l’apparence d’un homme, Notre-Seigneur, écrasé par la souffrance. » Il m’est arrivé de lire ce passage d’Isaïe avec des amis juifs, profondément croyants, eux qui attendent le Messie, nous qui reconnaissons Jésus, le Messie, dans ce Serviteur Souffrant. Le jour du Grand Pardon, Yom Kippour, est très important pour eux et pourrait être une occasion de dialogue entre eux et nous, pour évoquer le Messie, notre Sauveur et leur Sauveur. Dans l’évangile de Jean, Jésus traité de façon effroyable, garde toute sa dignité. Il reçoit une gifle d’un serviteur du grand-prêtre, parce qu’Il répond avec justesse : « J’ai parlé publiquement, pourquoi m’interroges-tu à nouveau ? » C’est bien peu courageux de frapper un accusé mais Jésus n’est pas écrasé par son humiliation, Il garde toute sa beauté, toute sa dignité humaine : « Si j’ai mal parlé, dis-moi en quoi mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » C’est encore plus remarquable chez Pilate, parce que Pilate est le chef des Romains, la puissance occupante alors que Jésus est le condamné de la puissance occupée ! Jésus ne répond pas à la première question de Pilate, Il répondra à la seconde question quand Pilate lui pose une troisième question. Le pauvre Pilate est complètement « groggy ». Jésus ne répond pas non plus à sa dernière demande : « Qu’est-ce que la vérité ? » On peut remarquer l’humilité du Serviteur Souffrant, noble, digne, face à celui qui se croit le chef.
Quelle douceur de Jésus, quand sur la Croix, Il confie sa Mère à saint Jean, l’apôtre bien-aimé et « à partir de cette heure, le disciple la prit chez lui. Puis, sachant que tout était achevé désormais, Jésus dit, pour que toute l’Écriture s’accomplît : ‘J’ai soif’… Quand Jésus eut pris le vinaigre, Il dit : ‘Tout est accompli’, Il baissa la tête et Il remit son esprit ». Ce « J’ai soif » n’est pas la soif d’un verre d’eau mais la soif que tous les hommes aient soif de Dieu. Tout le monde connaît les sœurs de Mère Teresa, eh bien, il y a toujours, à la demande de mère Teresa, à côté du crucifix, dans chaque chapelle de communauté des sœurs, un écriteau : I THIRST, J’ai soif. Ainsi, à chaque fois, qu’elles regardent le tabernacle, elles se souviennent que Jésus a soif de leurs prières, Jésus a soif que les âmes soient sauvées, qu’elles participent avec Lui à l’œuvre de la Rédemption.
Dans le « Tout est accompli », il y a une extraordinaire espérance ; le monde est sauvé ! Jésus a accompli sa mission, qui était de faire la paix entre le Ciel et la Terre.
Samedi Saint
Depuis plusieurs années, j’essaie de vivre chaque journée de la Semaine Sainte – les jours les plus importants de l’Histoire du monde – avec les phrases du Notre Père. Le Lundi Saint, Notre Père qui es aux Cieux : on voit, dans l’évangile, cette femme qui essuie les pieds de Jésus avec son parfum et ses cheveux, parce qu’elle sait qu’Il est très Saint. Que ton Nom soit sanctifié le mardi Saint ; le Mercredi Saint, « que ton Règne vienne » : avec Pierre et Judas, on voit que ce n’est pas facile de faire venir son règne ni de faire sa Volonté. Le Jeudi Saint, c’est le jour du Pain Vivant descendu du Ciel, le Vendredi Saint, c’est le Grand Pardon, « Pardonne-nous nos offenses » : pas de messe, pas de liturgie, c’est comme si nous étions tombés dans la tentation du désespoir. Le Samedi Saint, c’est le grand silence. Et qu’est-ce qui se passe, dans la nuit du Samedi Saint ? Eh bien, c’est la dernière demande du Notre Père : « Délivre-nous du mal ». C’est vraiment l’hymne à la liberté. Pendant les neuf lectures, je me disais : « c’est vraiment un chant à la liberté ! » Est-ce que tu sais que la liberté sera victorieuse ? Est-ce que tu sais que tu as été créé pour être un être libre ? est-ce que tu y penses ?
C’est pour cela qu’on a écouté ces immenses lectures. Dans la Création, Dieu nous a faits à son image et à sa ressemblance ; nous sommes les enfants de Dieu, libres comme Lui. Dans la lecture de la ligature d’Isaac, on se dit qu’Abraham est fou d’emmener son fils à la mort mais, lui, il sait que l’obéissance sera la garantie de sa liberté, parce que Dieu l’a créé comme un homme libre et que, quand il fait acte d’obéissance à Dieu, il assure son propre chemin de liberté. Liberté et obéissance ne vont pas bien ensemble dans nos têtes et pourtant, dans la Bible, c’est quelque chose de manifeste. Bien sûr, le plus grand texte sur la liberté, est celui de l’Exode. Les Hébreux étaient esclaves en Égypte, ils traversent la Mer Rouge à pied sec et Pharaon est englouti dans la mer, avec ses chars et ses chevaux. Ils vont le payer cher, par quarante ans dans le désert, mais ils cheminent vers cette Terre Promise, qui était une terre de liberté. Et ainsi, petit à petit, nous faisons, nous aussi, notre chemin. Le prophète Ézéchiel, lui, nous dit : « Est-ce que tu as vu la façon dont Dieu t’aime ? Il ne te donne pas des quantités de commandements, Il regarde l’humanité comme son épouse. Il ne l’écrase pas par sa puissance, Il lui donne des paroles pour assurer son chemin de liberté. Est-ce que vous savez que le mot le plus important de toute la Bible, c’est le mot ALLIANCE ? Nous vivons comme un sacrement d’alliance ; Dieu s’adresse à l’humanité comme à son épouse et Il lui dit : « Ton Créateur n’est pas un Créateur Tout-Puissant, c’est un époux qui t’aime et qui te donne toute ta liberté. » Voilà le sens des lectures que nous avons entendues. A nous qui sommes prisonniers de tant de contraintes, le prophète Isaïe dit : « Mais venez, venez à moi, même si vous n’avez pas d’argent ! Je suis véritablement votre Sauveur ! La pluie et la neige qui descendent sur la terre ne reviendront pas sans avoir donné beaucoup de fruits ! » Est-ce que la Bible, frères et sœurs, est vraiment pour vous une Parole vivante, qui féconde, comme la pluie et la neige ? Voilà quels sont les commandements du Seigneur : ce sont des chemins pour notre vie, des chemins qui vont assurer notre paix et notre liberté.
Il y a aussi la liberté de Dieu, parce que, même quand Il voit que son Nom est profané, quand Il voit qu’on se moque de Lui, qu’on fait exactement le contraire de sa Parole, alors Il dit : « Je vais vous rassembler de tous les pays, Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés, Je vous donnerai un cœur nouveau et un esprit nouveau » Mais quelle merveille toutes ces lectures ! Il faut les lire et les relire. Mais l’essentiel de ce que je veux vous dire ce soir, c’est que, à l’intérieur de cette trajectoire gigantesque de la Bible qu’on nous a fait faire ce soir, on nous montre le chemin de liberté et être un chrétien, c’est être un homme libre. Nous devons être heureux de notre liberté dans ce monde où règne encore l’esclavage et proclamer le chemin de notre libération, de notre Libérateur. Où est-elle cette liberté ? La lecture de la Lettre aux Romains nous donne la solution : « Votre liberté se trouve dans votre baptême. » Le pape François a demandé si nous fêtions l’anniversaire de notre baptême. En effet, nous fêtons notre naissance mais notre baptême ? Dans notre baptême, il y a la source de notre liberté ; et encore par la Lettre aux Romains, nous savons qu’avec la mort, la vie n’est pas détruite, elle est transformée. Et, dans l’évangile, au matin de Pâques, les apôtres vont au tombeau, ils trouvent les linges et le tombeau vide. Dans ses apparitions, Jésus leur fera bien comprendre qu’Il n’est pas un fantôme. Demandons alors, pendant cette messe de la veillée pascale, de réveiller notre foi en la Résurrection, qui est la source et la promesse de notre liberté.
Dimanche de Pâques
En commençant son homélie, le cardinal a rappelé qu’il associait les jours de la Semaine Sainte aux demandes du Notre-Père. Et le dimanche de Pâques, continue-t-il, il reste la fin : « Car c’est à Toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire. » Nous entrons dans ces cinquante jours, où nous fêtons la gloire de Dieu, la Lumière de Jésus ressuscité. La Résurrection est le centre de notre foi ! Quels mots allons-nous trouver pour le dire aux autres ? Jésus a envoyé l’Esprit-Saint pour confirmer notre foi : » Vous allez recevoir une force d’en-haut et vous serez mes témoins ». C’est notre vocation à tous, quels que soient notre âge ou notre situation. Nous sommes membres de son Corps, nous devons vivre dans sa Parole, nous devons trouver les mots adaptés à nos contemporains pour leur annoncer la victoire de l’Amour. Comment faut-il faire, pour être des témoins dans le monde d’aujourd’hui ? En écoutant les lectures d’aujourd’hui, nous voyons exactement le chemin qui nous est indiqué : je les prends à l’envers ; d’abord, tu vas assumer le fait de la Résurrection, c’est invraisemblable mais c’est un fait qui est réel. A ses apôtres stupéfaits, Jésus dit : « Donnez-moi à manger, vous voyez bien que Je ne suis pas un fantôme » Pendant toute la semaine de Pâques, nous allons lire les apparitions de Jésus, méthodiquement racontées, l’une après l’autre. On voit que Jésus prend soin de fortifier leur foi dans le « fait » de la résurrection. C’est un fait historique et même transhistorique, il fait éclater l’Histoire, si l’on peut dire, il la fait voler en éclats. Ainsi, nous devons, nous-mêmes, nous fortifier dans la foi de la Résurrection du Seigneur Jésus, qui est, finalement, le seul événement qui compte dans l’histoire de l’humanité. Malgré les catastrophes, les guerres et les violences, la promesse est faite à tous : « Ne vous en faites-pas, la mort a été définitivement vaincue par la Résurrection de Jésus ». Cette promesse est faite par Jésus Lui-même. La traduction du grec ne nous dit pas à quel point les mots « promesse » et « évangile » sont proches. Le grand message de Jésus, c’est la réalisation de cette promesse, de cet évangile. Pauvres apôtres, on se moque d’eux, on les jette en prison, on les traîne devant le Sanhédrin, on ridiculise saint Paul après un discours particulièrement travaillé… Nos mots, qu’est-ce qu’ils valent ? Nous n’en savons rien, c’est le Seigneur qui s’occupe de leur faire trouver un écho dans le cœur de nos auditeurs. La seule chose que nous ayons à faire dans le temps pascal, c’est de nous enraciner dans le fait même de la Résurrection, lire avec attention tous ces récits de la Résurrection, ce qui va nous fortifier dans la foi de notre baptême. C’est un travail ! Un travail spirituel et scripturaire à faire.
Alors, si ce fait est réel, comme il ne touche pas seulement Jésus, nous aussi, nous attendons la résurrection de la chair. Comme à la fin du Credo : « J’attends la résurrection de la chair et la vie du monde à venir. » Toute notre foi nous conduit à une attitude d’espérance : si cela s’est produit pour Jésus, alors cela change tout pour moi, pour mon propre corps. Il faut prendre soin de son corps car c’est le temple du Saint-Esprit, dit saint Paul. Si Jésus est ressuscité, recherchez les réalités d’en haut ! Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Il y a quelque chose de moi que je ne connais pas, qui reste un mystère et la vérité de ma vie m’échappe. Elle reste un mystère trop grand pour moi. Le fait de la Résurrection change tout dans notre vie.
Tous les jours, jusqu’à la Pentecôte, notre première lecture sera dans le Livre des Actes des Apôtres. Vous avez bien compris, que si ce mystère est vivant en nous, par la Résurrection du Christ et par mon baptême, alors, il faut que je passe aux actes. En effet, après la dernière page du dernier évangile, on passe aux Actes ! Cela est aussi le destin des Chrétiens : quand vas-tu passer aux actes ? Regarde les apôtres, ils y sont passés tout de suite. Ça n’a pas toujours été facile : emprisonnés, fouettés, moqués… libérés, ils s’empressent de faire des miracles. Ces cinquante jours, beau symbole du septénaire sacré, 7 x7 = 49, et le cinquantième jour, la lumière du Ressuscité va exploser sur le monde. Grâce à qui ? A Pierre, à Paul, aux apôtres et aujourd’hui, grâce à vous.
Dans le temps pascal, nous contemplons cette lumière éblouissante, nous méditons ce mystère, nous voyons à quel point il nous concerne, il nous éveille au mystère de notre propre vie et nous partons comme des petits messagers de rien du tout mais c’est à nous d’écrire les actes des apôtres de l’année 2022.
Maintenant, frères et sœurs, c’est à vous de passer aux actes !

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